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Sur la Route Billy Diamond: Un voyage au coeur de l'immensité

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Un texte de Simon Jodoin:

Tout a commencé par un souper entre amis où nous avons évoqué l'idée de faire un périple routier, question d'aller cueillir des champignons et contempler de nouveaux paysages avant la fin de l'été. Voir du pays? Faire de la route? J'ai justement envie depuis un bon bout de temps de monter jusqu'à la Baie-James! Les choses auraient pu en rester là, comme bien des projets qu'on évoque vaguement en se disant qu'on les réalisera un jour, peut-être. Pas cette fois. Le lendemain, nous étions devant nos ordinateurs pour organiser cette escapade et le jour suivant nous bloquions une semaine de vacances dans nos agendas. La route Billy-Diamond nous appelait, impossible de résister. Un mois plus tard nous partions de Montréal, direction Chisasibi.

Pour commencer ce périple du bon pied, nous avons choisi de nous arrêter à Matagami pour une première nuit, à quelques pas du « kilomètre zéro », là où commence officiellement la fameuse route qui nous mènera jusqu'au nord du 53e parallèle. Sur le bord de la rivière Bell, le Gîte de la Belle Rivière vient tout juste d'être repris par Nathalie Pomerleau qui prépare le petit déjeuner dès que les premiers rayons du soleil percent les brumes matinales. La nouvelle aubergiste, une fille de la place, a passé toute sa vie à travailler dans la mine, sous terre, comme superviseure. Elle veille désormais au confort des visiteurs avec un aplomb sans égal. Son auberge, c'est un peu le poste relais de dizaines de voyageurs et travailleurs qui montent vers le nord ou qui en reviennent.

Pour se lancer dans l'exploration de la route Billy Diamond, il faut partir tôt de Matagami. Pas question de faire la grasse matinée. Il y a plusieurs kilomètres à avaler avant d'arriver à un endroit où on peut poser ses valises et bien des choses à voir en chemin. Si d'aventure un imprévu devait arriver, il vaut mieux avoir pas mal de temps devant soi.

Nous nous sommes donc levés à l'aube pour se rendre à la guérite afin de s'enregistrer au poste du bureau touristique. Déjà, là, il y a une forme de rituel d'initiation qui fait partie de l'expérience, un moment de passage bien marqué. On prend bien soin de se munir d'une carte routière où les arrêts et les lieux d'intérêts sont indiqués par des repères kilométriques. Un document d'accompagnement détaillant les installations pour chaque halte routière nous sera aussi fort utile.

C'est ainsi que dans la lumière matinale nous avons commencé la lente remontée qui nous mènera au kilomètre 581 où nous prévoyons faire un arrêt pour saluer Sylvain Paquin, sympathique homme des bois à qui nous avons promis de rendre visite.

La route est douce et invitante. À mesure que nous nous éloignons de Matagami, on prend la pleine mesure de l'immense territoire dans lequel nous nous enfonçons. La route Billy-Diamond est ce qu'on appelle une « route isolée », c'est à dire qu'on ne croisera aucun village et mis à part le poste relais routier du kilomètre 381 où on peut faire le plein et se procurer quelques denrées de base, on ne trouve aucun service sur le trajet. Il n'y a aucun signal cellulaire ou de données non plus. Question d'avoir l'esprit tranquille, nous avons loué un appareil téléphonique satellite pour la semaine qu'on pourra utiliser en cas d'urgence.

Malgré ce sentiment d'éloignement teinté de solitude, les aires de repos sont si bien aménagées et installées dans des lieux d'une grande beauté que nous avons vraiment l'impression d'être accompagnés. Plus encore, certains arrêts offrent des sites de campings rustiques. Dès notre première pause au bord du Lac Ouescapis (au KM 80), nous croisons des campeurs qui emballent leurs tentes avant de repartir vers le sud. Toute isolée qu'elle puisse être, cette route étonnante offre sur son parcours parmi les plus belles haltes routières du Québec, que ce soit au KM 257 aux abords de la rivière Rupert ou encore au KM 395 où on croise la rivière Eastmain. On s'y arrête pour prendre un peu de repos, mais surtout pour regarder le paysage et saluer les autres voyageurs avec qui il semble tout naturel d'échanger quelques mots, pour savoir d'où ils viennent et où ils vont.

Comme prévu, au terme d'une splendide journée de route, nous retrouvons Sylvain Paquin au KM 581. Le sympathique gaillard, ermite des temps moderne, ami des loups, des ours et fin observateur des champignons matsutakes, habite en solitaire dans un chalet autonome à une quarantaine de kilomètres au sud de Radisson. Arrivé ici il y a plus de vingt ans pour rendre visite à un ami, Sylvain n'est jamais reparti. Il a trouvé demeure sur l'ancien Camp des pins situé sur la ligne de trappe de la famille Cox, des Cris de Chisasibi avec qui il a tissé des liens de fraternité. Il arpente depuis la moindre parcelle de terrain des environs qu'il connaît par cœur, allant jusqu'à donner des noms aux loups qu'il observe et photographie.

Après deux jours d'exploration forestière, nous quittions Sylvain en matinée pour continuer notre périple vers Chisasibi.

Nous avions prévu un détour pour aller visiter l'aménagement Robert-Bourassa, la fameuse centrale électrique, monument d'ingénierie du Québec moderne. Nous en avions évidemment entendu parler, on nous avait dit que c'était gigantesque, mais il faut vraiment le voir pour le croire. Les occasions de se sentir petits en parcourant cet immense territoire sont nombreuses. Ici, on se sent carrément minuscules. Tout semble démesuré, de l'évacuateur de crues surnommé « l'escalier de géant » jusqu'au réservoir qui a des allures de mer intérieure.

Au moment de notre passage, la saison des visites régulières de l'intérieur de la centrale était terminée. Il est tout de même possible de prendre rendez-vous, selon les disponibilités des responsables du site. Dans tous les cas, en haute comme en basse saison, il faut impérativement réserver à l'avance. Quoi qu'il en soit, simplement se promener sur le site permet de prendre la pleine mesure de cette prouesse technique. Nous y avons passé plusieurs heures avant de continuer notre route.

Nous avons roulé lentement pour parcourir la centaine de kilomètres qui sépare Radisson de Chisasibi. En arrivant à l'auberge Maanitaaukimikw Inn, en bordure de la rivière La Grande où nous avions réservé pour deux nuits, j'ai été habité par une agréable impression de dépaysement. Après une courte conversation fort sympathique avec Gregg Kanatewat, notre hôte venu s'assurer que nous étions bien installés, nous avions hâte de partir explorer les environs.


Chisasibi est la localité la plus peuplée du nord du Québec après Chibougamau. C'est aussi la plus éloignée qu'on peut atteindre par la route. On a beau se dire que nous nous trouvons toujours au Québec, nous sommes ici en visite chez les Cris et avons le sentiment d'être un peu étrangers. Les noms des rues, l'écriture sur les panneaux de signalisation, la disposition des lieux ne laissent aucun doute: il y a là une culture que nous ne connaissons pas et qui invite humblement à la découverte.

Question de briser la glace, le Centre Culturel et du Patrimoine de Chisasibi fait un peu office de poste d'accueil. À la fois lieu de conversation et de conservation, ce musée sert autant de point d'ancrage pour la communauté que de porte d'entrée pour les visiteurs. À se familiariser avec cette culture et à découvrir cette communauté, on se sent encore une fois un peu petits. Plus on en apprend, plus on réalise tout ce qui nous échappe. Ces premiers pas ne font que nous confirmer que le chemin de la réconciliation avec les Premières Nations, c'est aussi une longue route sur laquelle il faut avancer lentement en prenant son temps. Il ne faut pas être pressé.

C'est en pensant à tout ce chemin qu'il reste à parcourir pour mieux faire connaissance que nous nous sommes rendus sur les rives de la Baie-James, à 20 km de Chisasibi, où le soleil couchant nous avait réservé tout un spectacle. Impossible d'aller plus loin, nous étions rendus au bout du monde et le ciel, fantastique, garni d'orages lointains et de nuages colorés, allait nous confirmer une fois de plus que nous sommes bien petits devant ce territoire.

C'est ainsi que l'aventure, au fond, ne faisait que commencer. En regardant le soleil se coucher sur la Baie-James, nous réalisons que nous n'étions pas encore arrivés à destination, qu'il nous faudrait sans doute plusieurs semaines pour explorer en profondeur cette immensité que nous venions de toucher à peine du bout des doigts. En reprenant la route Billy-Diamond vers le sud pour le chemin du retour, nous étions convaincus d'une chose: cette première exploration, c'était une invitation qui vient avec une promesse: celle de revenir pour aller encore plus loin.

QUELQUES CONSEILS AVANT DE PARTIR À L'AVENTURE

Même si vous ne prévoyez pas faire du camping, apportez avec vous ce qu'il faut pour être autonome et confortable pour un certain temps en cas de pépin (sac de couchage, réchaud, bougies, briquets, gamelle, trousse de premier soin, insecticide, etc.).

N'essayez pas d'arriver à l'improviste. Réservez vos hébergements et vos visites à l'avance et annoncez votre arrivée. Pour Chisasibi et les autres communautés cries, prenez contact avec les responsables touristiques pour demander des conseils et des renseignements.

Apportez des vêtements chauds et adaptés aux intempéries. Voyager vers le nord ne signifie pas nécessairement qu'il fera froid, mais là comme ailleurs, la météo peut vous surprendre et vous ne croiserez évidemment aucune boutique pour vous dépanner.

Le réseau cellulaire n'est pas disponible entre Matagami et Radisson. Il y a un réseau Wi-Fi public au poste relais routier du kilomètre 381. Pour vous repérer en chemin, utilisez une application comme map.me, qui permet de télécharger les cartes au préalable et de vous situer sur ces dernières avec le signal GPS de votre téléphone, même lorsque vous n'avez pas de données.

Si d'aventure votre GPS vous indique de prendre un chemin forestier, pour une raison ou pour une autre, ne l'écoutez pas et demeurez sur la voie pavée. Il n'y a qu'une seule route, c'est la Billy Diamond et c'est celle qu'il faut suivre en tout temps.

Apportez avec vous une bonne réserve d'eau et de nourriture pour être autonome. Il y a des épiceries à Matagami, Radisson et à Chisasibi mais rien entre les deux, sauf quelques produits de base au poste relais routier du kilomètre 381.

Assurez-vous d'avoir un véhicule en bon état et, si possible, munissez-vous d'un vrai pneu de rechange, monté sur une jante en bonne et due forme, pas simplement d'une roue de secours. La route est fort bien pavée et se roule confortablement. Il n'y a pas plus à craindre ici qu'ailleurs au Québec. Simplement, dans ce coin de pays, on ne peut pas tout bonnement s'arrêter au garage du prochain village.

Faites le plein d'essence à chaque fois que c'est possible.